Interview – La naissance du langage : entre instinct et apprentissage

Photo de deux bébés qui s'amusent et babillent avec des jouets illustrésPhoto : © Anoushkatoronto/Adobe Stock. Illustration de Lucile Carcenac.
Publié le par Émilie Belard

Des babillages aux premiers mots, avant 3 ans, le développement du langage est au centre de tous les apprentissages. Mais que se passe-t-il réellement dans le cerveau de bébé ? Jean-Rémy Hochmann, directeur de recherche CNRS au sein de l’Institut des sciences cognitives Marc-Jeannerod et directeur du Babylab* de Lyon, répond à nos questions.

Que nous enseignent les neurosciences sur la naissance du langage ?

Ces dernières années, les neurosciences ont bouleversé les croyances concernant l’acquisition du langage chez bébé. Nous savons désormais qu’à la naissance l’architecture du cerveau est tout à fait prête pour le langage. Comme l’annonçait Stephen Pinker dans les années 1990, on peut parler d’un « instinct du langage », cette capacité est innée chez les nouveau-nés. Nous savons également que cet apprentissage doit être stimulé afin de se développer.

Quelles autres découvertes scientifiques apportent un éclairage sur cet apprentissage ?

Aujourd’hui, nos études portent sur la démonstration précise des capacités innées liées au langage, afin d’en comprendre les contours. Cérébralement parlant, l’acquisition du langage, ce n’est pas simplement apprendre du vocabulaire, mais résoudre une somme de problèmes pour aller de la compréhension à la production de mots. Nous constatons en ce moment à travers nos recherches que les tout-petits ont une représentation très structurée des événements : ils parviennent à comprendre des saynètes simples et montrent de la surprise face à un déroulement anormal [ndlr : les réactions sont mesurées à la variation de la taille de la pupille]. Les bébés auraient-ils une langue de l’esprit avant la langue parlée ?

Avec ces connaissances, comment stimuler bébé ?

Tout enfant va développer un langage, encore faut-il lui donner l’occasion d’apprendre… en lui parlant ! La recherche a démontré que le vocabulaire d’un enfant de 18 mois est corrélé avec le temps que les adultes passent à lui parler. Un constat à différencier du temps où l’enfant est exposé au langage : il doit y avoir une interaction sociale AVEC lui. Ainsi, les écrans n’apportent rien en termes d’acquisition du langage. Au quotidien, on capte au maximum l’attention du tout-petit en parlant avec lui, en chantant et en lui lisant des histoires, car cela nourrit son imaginaire, créé de nouvelles pensées, et donc de futures phrases ! Le rôle des pairs est aussi très important, bébé apprend beaucoup au contact d’autres enfants. Le rythme de développement varie d’un bébé à l’autre, mais si bébé ne babille pas à 10 mois ou ne parle pas du tout à 3 ans, il vaut mieux consulter un pédiatre.

Les questions des parents

Je suis français et ma compagne est italienne. Comment cela se passe-t-il pour l’apprentissage du langage dans une famille bilingue comme la nôtre ?

Jordan, papa d’Andrea, 7 mois

Le cerveau de bébé est tout à fait capable d’apprendre plusieurs langues en parallèle. Idéalement, on sépare les locuteurs des différentes langues, mais les petits savent faire le tri. Même s’ils mélangent au début, ils parviennent à s’y retrouver très naturellement, exactement de la même manière que nous le faisons spontanément entre les langages familier ou soutenu.

 
Mon enfant utilise le baby sign à la crèche. Cela peut-il être une aide pour l’apprentissage du langage ?

Ilona, maman de Félix, 4 mois

Le baby sign n’a aucun impact sur l’acquisition du langage. Surtout utile en collectivité, il peut être utilisé à la maison simplement, pour le plaisir. Il s’agit, par exemple, d’un geste de la main vers la bouche pour signifier son envie de manger. Ce n’est pas une langue, simplement une série de signes sans combinaison possible. C’est à différencier absolument de la langue des signes, qui est un langage propre, pour lequel l’apprentissage est tout à fait similaire à celui de la langue orale au niveau cérébral.

Le conseil du professionnel

De quelle manière faut-il parler à son enfant ?

On peut s’adresser tout à fait normalement à son bébé. Pour stimuler le langage, il n’est pas nécessaire de simplifier. Le « mamanais » ou « parentais », ce réflexe universel qu’utilisent la plupart des adultes lorsqu’ils s’adressent à un bébé (voix plus haute, débit plus lent, appui sur certaines syllabes…), ne semble pas avoir d’impact négatif ni positif sur l’apprentissage du langage. Il n’est donc pas problématique, mais pas nécessaire non plus !

* Les Babylab sont des unités de recherche spécialisées dans l’étude de l’apprentissage des bébés. Ils sont en recherche constante de familles volontaires. Si vous souhaitez collaborer avec votre enfant à la recherche scientifique, contactez le Babylab de votre région.  

Article réalisé par Aurélie Renne

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